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Moyen relevé d’office et article R. 611-7 du CJA : précisions importantes du Conseil d’État

Public - Droit public général
27/01/2021
Dans un arrêt rendu par la section du contentieux le 25 janvier 2021, et à paraître au recueil Lebon, le Conseil d’État déclare que ni l'information selon laquelle un moyen est susceptible d'être relevé d’office après la clôture de l'instruction, ni les observations des parties en réponse à cette information, n’entraînent la réouverture de l’instruction.
Le Conseil d’État, dans son arrêt rendu le 25 janvier 2021 par la section du contentieux (CE, sect., 25 janv. 2021, n° 425539, à paraître au recueil Lebon), déclare que lorsqu’un moyen est susceptible d’être relevé d’office en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA), cela n’a pas pour effet de rouvrir l’instruction. Les observations reçues de la part des parties n’ont pas non plus pour effet de rouvrir l’instruction après sa clôture.
 
Moyen susceptible d’être relevé d’office
 
Après la clôture de l’instruction, les parties peuvent être informées sur le fondement de l’article R. 611-7 du CJA que la décision paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office : En pareil cas, « le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué » (CJA, art. R. 611-7, al. 1er).
 
Il s’agissait ici de savoir si, lorsqu’après la clôture de l’instruction les parties sont informées de la possibilité prévue par l’article R. 611-7, cette information a pour effet de rouvrir l’instruction. Il s’agissait également pour le juge de déterminer si, dans l’hypothèse où l’instruction ne serait pas rouverte par la simple information des parties, la formulation d’observations par les parties entraînerait une réouverture de l’instruction.
 
En l’espèce, un patient d’un hôpital était décédé à la suite d’une séance de psychomotricité. Ses ayants droit demandaient le versement de dommages-intérêts pour les préjudices liés au décès, et s’étaient vu opposer un rejet en première instance puis en appel.

La problématique était de savoir si l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) aurait dû être appelée d’office au titre de la réparation par la solidarité nationale du fait d’un préjudice imputable à un accident médical sans faute. Après avoir reçu l'information, une fois l'instruction close, selon laquelle ce moyen était susceptible d'être relevé d'office, les requérants ont formulé des observations, soulevant de ce fait un nouveau moyen.
 
Absence de réouverture de l’instruction
 
Dans son arrêt rendu par la section du contentieux, la Haute cour répond que les observations présentées par les parties en réponse à l’information selon laquelle un moyen était susceptible d’être relevé d’office n’ont pas pour effet de rouvrir l’instruction.
 
En effet, le juge n’est obligé de rouvrir l’instruction que si les observations contiennent l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit qui répond à deux conditions :
  • l’élément est « susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire » ;
  • la partie qui invoque cet élément « n’était pas en mesure [d’en] faire état avant la clôture de l’instruction ».
 
Le Conseil d’État déclare également que le juge n’est pas obligé de se prononcer sur le bien-fondé du moyen, même s’il est repris par une partie et constitue ainsi un nouveau moyen, si ce moyen n’avait en fait pas à être relevé d’office.
 
Mise en cause de l’ONIAM
 
Les requérants, dans leurs observations postérieures à la clôture de l’instruction, avaient repris le moyen qui était susceptible d’être soulevé par le juge, à savoir que la cour aurait méconnu son office en s’abstenant de mettre en cause l’ONIAM. Le Conseil d’État déclare que l’argumentation ainsi présentée doit « faire regarder (les requérants) comme ayant expressément repris ce moyen et comme ayant, ainsi, soulevé un nouveau moyen ».
 
Sur ce point, le Conseil d’État déclare que lorsque les juges du fond écartent le moyen d’ordre public tiré de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale « le juge de cassation ne saurait relever lui-même d'office ce moyen s'il implique de porter une appréciation sur les pièces du dossier soumis aux juges du fond ». Il ajoute qu’ « il en va de même du moyen tiré de ce que les juges du fond auraient entaché leur décision d'irrégularité, faute d'avoir appelé d'office l'ONIAM en la cause aux fins de pouvoir mettre à sa charge la réparation qui lui incombe au titre de la solidarité nationale ».
 
En l’espèce, le moyen soulevé impliquait de porter une appréciation sur les pièces du dossier, et ne saurait donc, selon le Conseil, être relevé d’office par le juge de cassation.
 
 Pour aller plus loin :
Sur l’article R. 611-7 du CJA et le moyen relevé d’office par le juge, voir Le Lamy Contentieux administratif n° 654.
Source : Actualités du droit