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Un entretien d’évaluation professionnelle peut-il être constitutif d’un accident de service ?

Public - Droit public général
29/09/2021
Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2021, le Conseil d’État déclare qu’un entretien d’évaluation entre un agent et son supérieur hiérarchique, sauf comportement ou propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne peut être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent.
Au lendemain de son entretien d’évaluation professionnelle, une agente du ministère des armées a produit un arrêt de travail. Elle sollicite la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa pathologie, qui serait lié selon elle à un accident de service résultant de cet entretien.
 
L’arrêt de travail précisait que la pathologie était due à un « syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire ». Allant à l’encontre de l’avis de l’expert-psychiatre, la commission de réforme du département avait émis un avis défavorable, estimant que la pathologie ne présentait « pas de lien direct unique et certain » avec le service. Le ministre de la défense avait ensuite refusé de reconnaitre l’imputabilité au service. L’agente avait finalement obtenu du tribunal administratif l’annulation de la décision et une injonction à la ministre des armées de prendre une nouvelle décision. La cour administrative d’appel avait ensuite confirmé le jugement.
 
Dans son arrêt rendu le 27 septembre (CE, 27 sept. 2021, n° 440983), le Conseil d’État annule l’arrêt d’appel, rappelant que « constitue un accident de service […] un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci ».
 
Se posait donc la question de savoir si un entretien d’évaluation pouvait être qualifié d’événement dont une lésion pouvait survenir.
 
Comportement ou propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique
 
Le Conseil déclare que « sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. »
 
La Haute cour rappelle ainsi le contenu du pouvoir hiérarchique, et déclare que l’adoption de mesures disciplinaires ou les reproches faits à un agent ne peuvent être qualifiés d’événement soudain et violent.
 
En l’espèce, la CAA, pour fonder sa décision, avait relevé que la cheffe de service :
  • avait évoqué défavorablement la qualité des relations de l’agente avec ses collègues ;
  • avait reproché à l’agente des propos xénophobes et lui avait demandé de « ne plus émettre d’observations sur des sujets sociétaux » ;
  • indiquait être restée calme, alors que l’agente avait quitté précipitamment l’entretien, et produit le lendemain un arrêt du médecin confirmant l’avoir reçue « en état de choc avec une anxiété généralisée majeure réactionnelle ».
 
Pour le Conseil d’État, la cour d’appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en déduisant de ces éléments que l’entretien était constitutif d’un accident de service « sans relever aucun élément de nature à établir que par son comportement ou par ses propos la cheffe de service […] aurait excédé l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ».
 
Pathologie présentant un lien suffisamment direct et certain avec l’entretien d’évaluation
 
Réglant l’affaire au fond, le Conseil déclare qu’en l’absence de propos ou d’un comportement excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, la circonstance que l’agente « aurait ressenti "un choc" à l'écoute de reproches qui lui ont été faits à cette occasion, lequel aurait provoqué un syndrome anxio-dépressif, n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'elle aurait été victime d'un accident de service ».
 
C’est donc à tort que le tribunal a jugé que la pathologie présentait un lien suffisamment direct et certain avec l’événement, c’est-à-dire l’entretien d’évaluation, pour être regardée comme un accident de service.
 
Sur l’entretien professionnel, voir Le Lamy Fonction publique territoriale nos 323-25 et s.
Sur l’imputabilité des maladie au service, voir Le Lamy Fonction publique territoriale n° 807-118.
Source : Actualités du droit