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Modification des prix dans les contrats publics : une circulaire fait suite à l’avis du Conseil d’État

Public - Droit public des affaires
05/10/2022
À la suite de l’avis rendu par le Conseil d’État le 15 septembre dernier, une circulaire de la Première ministre du 29 septembre 2022 présente aux ministres et préfets les recommandations en matière d’exécution des contrats de la commande publique.
Le 15 septembre dernier, le Conseil d’État a rendu un avis (CE, avis, 15 sept. 2022, n° 405540) ouvrant la possibilité, à titre dérogatoire, de modifier les prix des contrats de la commande publique en vue de compenser les surcoûts d’exécution de ces contrats. Cet avis, détaillé dans une fiche technique de la Direction des affaires juridiques publiée le 21 septembre, pose des conditions tenant au respect des principes fixés par le Code de la commande publique (voir Modification des prix dans les contrats : le Conseil d’État a rendu son avis, Actualités du droit, 23 sept. 2022).
 
La circulaire de la Première ministre du 29 septembre 2022 vient présenter aux ministres et préfets les recommandations en matière d’exécution de ces contrats de la commande publique. Elle remplace la circulaire n° 6338-SG du 30 mars 2022, qui donnait des solutions pouvant être mises en œuvre dans un contexte de flambée des prix et de difficultés d’approvisionnement, afin de mettre en application les solutions proposées par la Haute cour dans son avis.
 
La Première ministre invite les ministres à veiller au respect de six consignes édictées dans cette nouvelle circulaire.
 
1. Obligation de prévoir des prix révisables pour de nombreux marchés publics
 
La circulaire rappelle que pour certains marchés, la prise en compte des fluctuations économiques est obligatoire, en application de l’article R. 2112-13 du Code de la commande publique (CCP). Elle cite les cas des marchés de denrées alimentaires ou d’énergie. L’article R. 2112-14 du CCP prévoit également une référence à des indices officiels dans la clause de révision de certains marchés. La circulaire demande de veiller à ce que les contrats ne prévoient pas « sauf exception, de terme fixe au sein de la formule de révision de prix et ne contiennent pas de clause butoir ».
 
2. Possibilité de procéder à des modifications des seules clauses financières des contrats pour compenser les conséquences des hausses imprévisibles de certains coûts d’approvisionnement des entreprises prestataires
 
La circulaire rappelle que le Code de la commande publique prévoit le cas de modifications des prix liés à la substitution des matériaux initialement prévus, aux quantités ou encore au périmètre des prestations. La difficulté à laquelle a répondu le Conseil dans son avis concerne une modification « sèche », c’est-à-dire portant uniquement sur le prix.
 
Le Code prévoit également, depuis les directives « marchés » et « concessions de service public » de 2014 des modifications du fait de circonstances qu’une autorité contractante diligente ne pouvait pas prévoir ou d’une ampleur limitée. Ces dispositions n’interdisent pas expressément la modification portant uniquement sur le prix.
 
La circulaire rappelle que le Conseil a précisé dans son avis du 15 septembre qu’une modification n’était possible que si l’augmentation des dépenses ou la diminution des recettes imputables aux circonstances « ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat ».
 
Le montant de la compensation est négocié dans certaines limites, à savoir ce qui est nécessaire à la poursuite du contrat, pour assurer la continuité du service public et la satisfaction des besoins du service public.
 
Pour ce faire, la circulaire appelle notamment les acheteurs à « vérifier la réalité et la sincérité des justificatifs apportés par le titulaire » du contrat.
 
3. Droit du cocontractant à être indemnisé sur le fondement de la théorie de l’imprévision
 
La circulaire rappelle la possibilité, au lieu de modifier le contrat, de conclure une convention d’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision, codifiée au 3° de l’article L. 6 du CCP. Cette indemnité dédommage partiellement le titulaire du préjudice, et peut être octroyée par le juge en cas de désaccord des parties.
 
La circulaire rappelle qu’elle n’est pas assimilable à une modification du contrat et n’est pas soumise au plafond de 50 % prévu par les articles R. 2194-5 et 3135-5 du CCP. Il est rappelé que l’indemnité doit être versée dans la mesure du possible « au moment où le bouleversement temporaire de l’économie du contrat en affecte l’exécution ».
 
4. Possibilité de résilier le contrat à l’amiable faute d’accord sur les conditions de poursuite du contrat
 
Cette résiliation peut avoir lieu soit avec effet immédiat soit avec effet différé.
 
5. Gel des pénalités contractuelles dans l’exécution des contrats de la commande publique
 
La Première ministre demande la suspension des pénalités tant que l’entreprise « est dans l’impossibilité de s’approvisionner dans des conditions normales ».
 
6. Application de l’article 1195 du Code civil pour les contrats de droit privé
 
Les contrats de droit privé peuvent être renégociés dans le cadre de cet article, qui dispose : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. / En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »
Source : Actualités du droit