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Covid-19 : rétablissement de l’enregistrement des demandes d’asile en IDF et de la plateforme téléphonique de l’OFII

Public - Droit public général
04/05/2020
Il est enjoint au ministre de l’Intérieur de rétablir en Ile-de-France, dans les conditions sanitaires imposées par le covid-19, l’enregistrement des demandes d’asile, en priorité de celles émanant des personnes vulnérables, et à l’OFII de rétablir dans cette mesure, le fonctionnement de sa plateforme téléphonique.
La Ligue des droits de l’homme et plusieurs associations de défense des droits des étrangers ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris afin d’enjoindre au directeur général de OFII, au préfet de police, au préfet de la région Ile-de-France, au préfet de la Seine-Saint-Denis, au préfet du Val de Marne, au préfet de l’Essonne, au préfet du Val d’Oise, au préfet des Yvelines, et au préfet des Hauts-de-Seine, d’une part, d’enregistrer les demandes d’asile des requérants individuels et de leur octroyer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, d’autre part, de reprendre l’enregistrement des demandes d’asile en rouvrant les guichets uniques pour demandeur d’asile (GUDA), d’enjoindre au directeur général de l’OFII de procéder à la réouverture de la plateforme téléphonique multilingue dédiée à la prise de rendez-vous en GUDA et d’ouvrir les droits aux conditions matérielles d’accueil des personnes sollicitant l’asile, et d’enjoindre que toute personne faisant enregistrer sa demande d’asile en GUDA soit orientée vers des lieux de mise à l’abri au vu de l’état d’urgence sanitaire incompatible avec une vie à la rue.
 
Par une ordonnance du 21 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de police et aux préfets des départements de la région Ile-de-France de rétablir dans un délai de cinq jours et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, le dispositif d’enregistrement des demandes d’asile supprimé à la fin du mois de mars, de façon adaptée au flux de la demande et à cette fin de procéder à la réouverture, dans les conditions sanitaires imposées par le covid-19, d’un nombre de GUDA permettant de traiter ce flux et à l’OFII de procéder sans délai à la réouverture de sa plateforme téléphonique en fonction du nombre de demandes et à la capacité d’accueil des GUDA qui seront rouverts
 
Le ministre de l’Intérieur et l’OFII ont saisi le Conseil d’État afin d’obtenir l’annulation de cette ordonnance de référé et le rejet de la requête de la Ligue des droits de l’homme et autres associations de défense des droits des étrangers.
 
Le ministre de l’Intérieur soutient notamment qu’imposer l’accueil à bref délai des demandeurs d’asile contrarie la stratégie de confinement mis en place par le gouvernement et celle de la sortie du confinement; que les moyens humains et matériels disponibles, en termes de protection des agents et des demandeurs, ne permettent pas de déférer aux injonctions prononcées et que l’urgence n’est pas constituée, dès lors que l’État a mis en œuvre des mesures concrètes qui offrent des garanties équivalentes à celles dont bénéficient les personnes dont la demande d’asile a été enregistrée, mesures dont les intéressés sont informés par un message diffusé sur la plateforme téléphonique de l’OFII, et que les personnes concernées ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’éloignement, sauf dans les rares cas de placement en rétention.
 
L’OFII soutient par ailleurs que l’impossibilité de rouvrir à brève échéance les GUDA entraîne automatiquement l’impossibilité de rouvrir sa plateforme téléphonique et qu’il assure la diffusion des informations nécessaires sur les prestations dont les demandeurs d’asile peuvent bénéficier dans l’attente de l’enregistrement de leur demande. En outre, ses directions territoriales d’Ile-de-France assurent une permanence physique plusieurs jours par semaine.
 
 
Le Conseil d’État rappelle les obligations des États en matière de demande d’asile définies par la Directive n° 2013/33/UE établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale. Les demandeurs d’asile doivent se voir remettre une autorisation provisoire de séjour dans l’attente de l’examen de leur demande et les États doivent leur assurer des conditions d’accueil pour satisfaire à leurs besoins élémentaires.
 
À la suite du complément d’instruction ordonné par le juge des référés après l’audience, la Haute juridiction considère que la « permanence » assurée dans chaque préfecture pour traiter les demandes d’asile des personnes les plus vulnérables qui est « peu ou pas connue » des associations et des personnes visées, ne peut se substituer à l’enregistrement des demandes d’asile. Le ministre de l’Intérieur indique qu’une consigne a été donnée, s’agissant du recensement de futures demandes d’asile mais le Conseil d’État relève qu’il n’a pas été mis effectivement en œuvre.
 
L’administration fait valoir que dans le contexte actuel de l’épidémie de Covid-19, il ne lui est pas possible de mobiliser des agents pour une remise en route même partielle des GUDA. Les agents de catégorie B et C sont placés en autorisation spéciale d’absence et les agents de catégorie A étant affectés à d’autres missions. Cette réponse est insatisfaisante pour le Conseil d’État qui considère, toujours en se fondant sur l’instruction, qu’il ne serait pas impossible à l’administration de mobiliser un minimum d’agents pour gérer les personnes les plus vulnérables.
 
De même, il résulte de cette instruction qu’il serait possible de mettre en place les mesures de protection et de distanciation évitant la propagation du virus. L’OFII a d’ailleurs indiqué qu’un accueil serait envisageable avec toutes les mesures de sécurité nécessaires, selon la Haute juridiction.
 
Le Conseil d’État liste les mesures prises depuis la mise en place de l’état d’urgence sanitaire pour garantir la situation des demandeurs d’asile : pas de mesure d’éloignement des personnes en situation irrégulière qui déposeraient une demande d’asile, prorogation des délais de procédure pour les demandeurs d’asile, réouverture des GUDA dans le plan de continuité de toutes les préfectures à compter du 11 mai, hébergement et « chèques services » pour tous les migrants dans le cadre du programme national d’aide aux personnes démunies.
 
Dans le contexte de ces mesures, le Conseil d’État considère donc que l’État a failli dans la mise en œuvre de l’enregistrement des demandes d’asile, notamment des personnes les plus vulnérables. Il est donc enjoint au ministre de l’Intérieur dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la présente ordonnance, « de rétablir en Ile-de-France l’enregistrement des demandes d’asile, en priorité des personnes vulnérables, en coordination, pour la prise de rendez-vous, avec l’OFII ».
 
Source : Actualités du droit