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CEDH : la Suisse condamnée pour défaut d’examen suffisant du risque de mauvais traitement lors de l’expulsion d’un Tamoul

Public - Droit public général
Pénal - Droit pénal général
31/01/2017
Les autorités suisses, en n'examinant pas dûment le risque de mauvais traitements encouru par un ressortissant sri lankais d'origine tamoule s'il était expulsé, ont violé l'article 3 de la CESDH. Telle est la décision rendue par la Cour européenne des droits de l'Homme le 26 janvier 2017.
Dans cette affaire, M. X, ressortissant sri lankais d'origine tamoule résidant en Suisse, avait demandé l'asile en Suisse pour lui et sa famille. Il évoquait des persécutions politiques au Sri Lanka, déclarait avoir, dans les années 1990, participé à la résistance armée contre le gouvernement sri lankais en tant que membre des "Tigres de libération de l'Eelam Tamoul" et, qu'en détention, il avait été maltraité par les autorités sri lankaises. Les autorités suisses rejetèrent sa demande et ses recours successifs. Le 21 août 2013, M. X fut expulsé, avec sa famille, vers le Sri Lanka. A leur arrivée à l'aéroport, ils furent détenus et interrogés pendant treize heures. L'épouse et les enfants furent remis en liberté mais M. X fut incarcéré à la prison de Boosa, où on lui infligea des mauvais traitements.

M. X allègue, devant la CEDH, que les autorités suisses n'ont pas convenablement évalué ses déclarations avant de l'expulser vers le Sri Lanka. La Cour observe que, à l'époque de l'expulsion de M. X, les autorités suisses auraient dû être parfaitement informées de ce que le requérant et ses proches risquaient d'être soumis à un traitement contraire à l'article 3 de la CEDH s'ils étaient renvoyés au Sri Lanka. Il existait, en effet, une affaire parallèle d'un autre Tamoul, M. Y, qui avait été expulsé vers le Sri Lanka quelques semaines avant M. X et y avait subi des mauvais traitements ayant nécessité une hospitalisation. Par ailleurs, l'avocat de M. Y avait écrit au ministre de la Justice et au directeur de l'Office fédéral des migrations pour demander la suspension de toutes les expulsions de Tamouls vers le Sri Lanka. La Cour conclut, par conséquent, que les autorités suisses n'ont pas satisfait à leurs obligations au regard de l'article 3 lorsqu'elles ont traité la demande d'asile de M. X.

Voir aussi, récemment, s'agissant des femmes tamoules victimes de persécution, CNDA, 8 déc. 2016, n° 14027836.


Par Marie Le Guerroué
Source : Actualités du droit