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Levée du secret médical par le concubin sur des pièces détenues par le médecin-conseil de l’assureur

Affaires - Assurance
17/07/2018
Dans un arrêt rendu le 5 juillet 2018, la Cour de cassation apporte des précisions sur l’autorisation donnée par le concubin pour produire des pièces, couvertes par le secret médical, détenues par le médecin-conseil de l’assureur.
Deux concubins avaient souscrit un prêt à la consommation auprès d’une banque. Pour en garantir le remboursement, ils avaient adhéré le même jour au contrat d’assurance de groupe proposé par l’assureur, couvrant notamment le risque de décès.

L’un des co-emprunteurs étant décédé, l’autre a demandé à l’assureur de prendre en charge les mensualités du prêt. Ce dernier a dénié sa garantie, invoquant une clause excluant de celle-ci les risques de décès, invalidité ou incapacité résultant d’une maladie antérieure à l’adhésion à l’assurance. Assigné par le prêteur en règlement du solde du prêt, le co-emprunteur appelle l’assureur en garantie.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord les textes applicables : l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable, et l’article R. 4127-4 du même code. Selon la cour, il résulte de la combinaison de ces deux textes que « l’assureur ne peut produire des documents couverts par le secret médical intéressant le litige à défaut d’accord des personnes légalement autorisées à y accéder, à savoir le patient assuré lui-même et en cas de décès de celui-ci, ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, sauf volonté contraire exprimée de son vivant par la personne décédée ».

Elle ajoute qu’en cas de difficultés, il revient au juge d’apprécier « si l’opposition des personnes autorisées à accéder à ces documents tend à faire respecter un intérêt légitime ou à faire écarter un élément de preuve et d’en tirer toutes conséquences quant à l’exécution du contrat d’assurance ».

Évolution jurisprudentielle

En appel, l’assureur affirmait que son médecin-conseil détenait des éléments de preuve couverts par le secret médical établissant l’antériorité de la pathologie dont était décédé le co-emprunteur par rapport à son adhésion au contrat. La cour d’appel avait toutefois relevé que, la concubine affirmant ne pas être ayant droit de son concubin, elle n’avait pas la qualité pour demander la levée du secret médical. La cour avait donc affirmé que cette initiative incombait à l’assureur. Retenant que ce dernier n’établissait pas détenir les documents pouvant démontrer le bien-fondé de l'exclusion de garantie dont il se prévalait, la cour l'avait condamné à garantie.

Selon la Cour de cassation, la cour d’appel aurait dû au contraire rechercher si la co-emprunteuse était bien la concubine du défunt, ce qui lui donnait qualité pour autoriser la production des pièces détenues par le médecin-conseil, dans le respect de l’article L. 1110-4 précité.

Sur cette question de la levée du secret médical dans le cadre des garanties d’une assurance, plusieurs décisions notables ont marqué l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation :
– en 1999, la cour jugeait que, même pour vérifier si l’événement ayant déclenché l’appel en garantie ne relevait pas des exceptions contractuelles, le secret médical ne pouvait pas être levé par le médecin-conseil de l’assureur (Cass. 1re civ., 12 janv. 1999, n° 96-20.580) ;
– plus tard, la cour avait estimé que le juge ne pouvait pas contraindre le médecin à rompre le secret médical en cas d'opposition justifiée du bénéficiaire ou de ses ayants droit (Cass. 1re civ., 15 juin 2004, n° 01-02.338) ;
– l’année suivante, cette solution était reprise par la cour, qui ajoutait qu’il revient au juge d'apprécier si le refus avait pour finalité la protection d'un intérêt légitime (Cass. 2e civ., 2 juin 2005, n° 04-13.509).

Dans ce même arrêt, la Cour de cassation précise également les modalités de remise à l’emprunteur de la notice d’information (sur cet aspect de l'arrêt, lire l’actualité du 17/07/18, « Modalités de remise de la notice d’information de l'assurance liée à un crédit à la consommation »).
Source : Actualités du droit