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La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
10/02/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 3 février 2020.
Redressement et liquidation judiciaires – mandataire – poursuite des contrats
« Selon l'arrêt attaqué, que la société Le Monde d'Angkor a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 27 janvier et 15 juin 2011, la société Taddei-Ferrari-Funel étant désignée mandataire judiciaire puis liquidateur ; qu'après la clôture de la liquidation judiciaire le 2 juillet 2013, M. X, bailleur des locaux d'exploitation, qui avait délivré au liquidateur un commandement de payer visant la clause résolutoire pour les loyers postérieurs au jugement d'ouverture, a assigné en paiement solidaire M. et Mme Y, qui s'étaient rendus cautions des loyers, et le liquidateur ; qu'il a également assigné personnellement la société Taddei-Ferrari-Funel en responsabilité pour ne pas avoir mis fin au bail et avoir laissé s'aggraver la dette de loyer ;
 
Vu les articles L. 627-2 du Code de commerce et 1382, devenu 1240, du Code civil ;
Pour condamner la société Taddei-Ferrari-Funel à payer à M. X la somme de 34 361,53 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt relève que, pendant le redressement judiciaire, à défaut de désignation d'un administrateur, il appartenait au mandataire judiciaire, en application de l'article L. 627-2 du Code de commerce, de donner un avis conforme sur la poursuite ou non des contrats en cours, et retient qu'en ne s'opposant pas à la poursuite du bail par les débiteurs, quand il ne pouvait ignorer que les loyers ne pouvaient plus être payés et que le fonds de commerce n'avait jamais dégagé le moindre chiffre d'affaires, le mandataire judiciaire a commis une faute ;
En statuant ainsi, alors qu'en application de l'article L. 627-2 du Code de commerce, c'est, en l'absence d'administrateur, au débiteur lui-même qu'il appartient, sur avis conforme du mandataire judiciaire, d'exercer la faculté de poursuivre les contrats en cours et de demander la résiliation du bail en application des articles L. 622-13 et L. 622-14 du même code, ce dont il résulte que le mandataire qui n'a pas été consulté par le débiteur ne peut être tenu pour responsable de la poursuite d'un contrat, au demeurant irrégulière, ni de l'absence de sa résiliation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
 
Pour condamner la société Taddei-Ferrari-Funel à payer à M. X la somme de 34 361,53 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient encore que, pendant la liquidation judiciaire, le liquidateur a choisi de ne pas résilier le bail et de tenter de vendre un fonds de commerce quasi-inexistant au détriment de M. X qui ne pouvait pas récupérer son bien ;
En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le bailleur avait mis le liquidateur en demeure de payer les loyers échus pendant la liquidation, et s'il avait demandé la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail comme l'y autorise l'article L. 641-12, 3°, du Code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».
Cass. com., 5 fév. 2020, n° 18-21.529, P+B *

Procédure collective – ordonnance du juge-commissaire relevé de forclusion
« Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 22 mai 2018), que la SCI « Les Trois filles » (la SCI) a été mise en redressement judiciaire le 13 novembre 2014, le jugement d’ouverture étant publié le 12 décembre suivant ; que Mme X a déclaré une créance le 5 mars 2015 ; que par une ordonnance du 10 novembre 2015, le juge-commissaire l’a relevée de la forclusion qu’elle avait encourue et a prononcé l'admission de sa créance ; que la SCI et Mme Y, son mandataire judiciaire, ont relevé appel de l'ordonnance ;
 
Selon l’article R. 621-21 du Code de commerce, seul applicable, le recours contre l’ordonnance du juge-commissaire statuant sur une requête en relevé de forclusion, qui n’est soumis à aucun régime dérogatoire, est exercé devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective, le jugement rendu sur ce recours étant seul susceptible d’appel ; que la cour d’appel en a exactement déduit que la SCI et le mandataire judiciaire, qui devaient d’abord exercer un recours devant le tribunal, étaient irrecevables à former un appel direct contre l’ordonnance du juge-commissaire, celui-ci aurait-il à tort, dans la même décision, prononcé le relevé de forclusion et admis la créance ; que le moyen n’est pas fondé ».
Cass. com., 5 fév. 2020, n° 18-21.754, P+B *
 
Liquidation judiciaire – frais de dépollution – créance
« Selon l'arrêt attaqué, que la société de prototypes et de circuits imprimés PCB (la SPCI PCB), a repris l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement sur un terrain donné à bail par la société Foncière Morillon G.Corvol (la société FMGC) ; que la SPCI PCB a été mise en liquidation judiciaire le 15 janvier 2014, la société SMJ étant désignée liquidateur ; qu'après la remise des clés par ce dernier à la société FMGC, le 5 juin 2014, celle-ci l'a assigné en paiement d'une indemnité correspondant à la contre-valeur des travaux à réaliser pour la mise en sécurité du site et sa dépollution, et en paiement des loyers et/ou indemnités d'occupation postérieurs au jugement d'ouverture ;
 
Vu l'article L. 641-13 du Code de commerce ;
Pour condamner le liquidateur à payer à la société FMGC la somme de 74 000 euros au titre des frais d'enlèvement, transport et traitement des déchets du site de la SPCI PCB, l'arrêt, après avoir énoncé qu'aux termes des articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 du Code de l'environnement, la charge de la dépollution incombe au dernier exploitant du bien pollué, en l'espèce, la SPCI PCB, en déduit que c'est la mise à l'arrêt définitif de l'exploitation du site classé du fait de la liquidation judiciaire qui constitue le fait générateur de l'obligation de dépollution à la charge du dernier locataire ; qu'il retient que cette créance de dépollution postérieure au jugement de liquidation judiciaire, née pour les besoins du déroulement de la procédure, eu égard à l'obligation légale du liquidateur de dépolluer le site, doit être payée à son échéance ;
En statuant ainsi, alors que, à supposer que la créance résultant de l'obligation du preneur de prendre en charge les frais de dépollution du site soit née, ainsi que le retient l'arrêt, de la cessation définitive de l'exploitation, postérieure à la liquidation judiciaire, cette créance n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Cass. com., 5 fév. 2020, n°18-23.961, P+B *

Liquidation judiciaire – insuffisance d’actif – actions individuelles
« Vu l'article L. 643-11 IV du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture ; que le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du Code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles ;
 
Selon l'arrêt attaqué, que se plaignant de l'existence de défauts sur un véhicule acheté à M. A après une réparation effectuée par M. X, M. Y, Mme Z épouse Y et M. Y (les consorts Y), ont, le 2 octobre 2014, assigné M. A et M. X devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à leur payer des dommages-intérêts ; que par un jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 29 mai 2015, M. X a été mis en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif, le 11 décembre 2015, sans que les consorts Y aient déclaré leur créance ;
 
Pour condamner M. X à payer à M. et Mme Y la somme de 10 285,83 euros en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 euros TTC par jour au titre des frais de gardiennage, l'arrêt, après avoir constaté que M. X n'avait informé ni le tribunal, ni les autres parties de sa procédure collective, et qu'il n'avait pas avisé le liquidateur judiciaire de l'existence de l'instance en cours devant le tribunal de grande instance, retient qu'en dissimulant au liquidateur l'existence de ces créanciers potentiels, ce qui avait eu pour effet de priver ceux-ci de l'avertissement d'avoir à déclarer leurs créances, M. X avait sciemment porté atteinte aux droits des consorts Y et que si l'article L. 643-11 IV du Code de commerce dispose que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, il fait cependant exception à cette règle en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ;
 
En se déterminant ainsi, sans constater que le tribunal de commerce de Mâcon avait, lors de la clôture de la liquidation judiciaire de M. X, autorisé la reprise des actions individuelles de tout créancier, pour fraude à l'égard d'un ou de plusieurs d'entre eux, ou que M. et Mme Y avaient obtenu cette autorisation, postérieurement à la clôture et avant qu'elle ne statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».
Cass. com., 5 fév. 2020, n°18-22.569, P+B *
 
Redressement judiciaire – plan de cession – actes nécessaires
« Vu l'article L. 631-22, alinéa 2, du Code de commerce ;
En cas d'adoption d'un plan de cession, l'administrateur ne reste en fonction que pour passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession ;
 
Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2018), que la société Necotrans Holding a été mise en redressement judiciaire le 29 juin 2017, les sociétés MJA et Brouard-Daudé étant désignées mandataires judiciaires et les sociétés Catherine Poli, devenue AJRS et Thévenot Partners administrateurs judiciaires ; que le 25 août 2017, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Necotrans Holding et ordonné la cession à la société Octavia des titres que la société débitrice détenait dans le capital de la société Necotrans Mining ; que la société Padang Trust Singapore, associée minoritaire de cette société, se prévalant d'une clause d'inaliénabilité convenue entre la société débitrice et elle-même ainsi que d'un droit de préemption, a formé tierce opposition-nullité au jugement arrêtant le plan, en soutenant que le tribunal avait commis un excès de pouvoir en ordonnant la cession des titres au mépris de leur inaliénabilité conventionnelle ; que le tribunal a déclaré irrecevable la tierce-opposition nullité ; que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a annulé ce jugement ainsi que celui arrêtant le plan de cession, en ce qu'il ordonnait le transfert des titres ;
La mission des administrateurs de réaliser les actes nécessaires à la cession ne leur permettant pas de discuter du périmètre de celle-ci, tel qu'arrêté par la cour d'appel, le pourvoi formé par les sociétés AJRS et Thevenot Partners est irrecevable ;
L'irrecevabilité du pourvoi principal entraîne celle du pourvoi incident, formé par les liquidateurs après l'expiration du délai de dépôt du mémoire en demande »
Cass. com., 5 fév. 2020, n°18-19.576, P+B *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 10 mars 2020.
Source : Actualités du droit