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Résiliation unilatérale du contrat par l’Administration : possible si l’irrégularité aurait entraîné l’annulation ou la résiliation par le juge

Public - Droit public des affaires
09/09/2020
Lorsqu’un contrat est entaché d'une irrégularité d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, le résilier unilatéralement. Il revient au juge, dans ce cas, de préciser le droit à indemnité du cocontractant.
Dans l’affaire en cause, un pouvoir adjudicateur avait réalisé après attribution d’un marché public que la procédure de passation avait été entachée d’irrégularité (les spécifications techniques figurant au cahier des charges avaient été formulées de manière trop restrictive). L’occasion pour le Conseil d’État, dans son arrêt publié au Recueil rendu le 10 juillet 2020, de préciser les conditions d’exercice par l’Administration de son pouvoir de résiliation unilatérale en raison de l’illégalité du contrat administratif.
 
Rappel
En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant.

L’hypothèse en cause était celle d'un « contrat entaché d'une irrégularité d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation ». Dans ce cas, la Haute juridiction énonce que « la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge ».
 
Le Conseil d’État rappelle plusieurs éléments (voir notamment en ce sens : CE, sect., 10 avr. 2008, nos 244950, 284439 et 284607, Sté Decaux) :
– après cette résiliation unilatérale, le cocontractant peut prétendre, pour la période postérieure à la date d'effet de la résiliation et sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses utiles ;
– si l'irrégularité du contrat résulte d'une faute de l'Administration, le cocontractant peut, en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'Administration ;
– saisi d'une demande d'indemnité sur ce second fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'Administration et le préjudice.
 
En l’espèce, le Conseil d’État estime que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit jugeant que l’irrégularité en cause justifiait la résiliation du contrat sans rechercher si cette irrégularité pouvait être invoquée par la personne publique au regard de l'exigence de loyauté des relations contractuelles et si elle était d'une gravité telle que, s'il avait été saisi, le juge du contrat aurait pu prononcer l'annulation ou la résiliation du marché en litige.
 
Pour aller plus loin
Sur le pouvoir de résiliation unilatérale du contrat administratif par l’Administration et le droit à indemnisation du cocontractant, voir Le Lamy Droit public des affaires 2020, nos 2150 et suivants.
 
Lire les conclusions du rapporteur public Gilles Pellissier sur cette affaire.
Source : Actualités du droit