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Reconfinement : les restrictions à l’exercice des cultes validées par le Conseil d’État

Public - Droit public général
10/11/2020
Dans une ordonnance rendue le 7 novembre 2020, le juge des référés du Conseil d’État valide les dispositions du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 restreignant temporairement la possibilité de se rendre dans les lieux de culte et de s’y rassembler. Toutefois, il invite à une clarification des dispositions sur les mariages et les justificatifs de déplacement.
Des associations, fidèles et membres du clergé catholiques ont saisi en référé la Haute juridiction, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin d’obtenir la suspension des articles 4 et 47 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en tant qu’ils restreignent la possibilité de sortir de son domicile pour se rendre dans les lieux de culte et interdisent dans ces mêmes lieux les rassemblements à l’exception des cérémonies funéraires.

Pour mémoire, en raison d’une nouvelle progression de l’épidémie de Covid-19, le Président de la République, a pris, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence à compter du 17 octobre à 00 heure sur l’ensemble du territoire national. Puis, le 29 octobre 2020, le Premier ministre a, sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, pris le décret attaqué prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Une liberté fondamentale à concilier avec l’objectif de protection de la santé

Pour les requérants, les dispositions contestées portent atteinte à la liberté de culte ainsi qu’au droit au respect de leur liberté personnelle, à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion.

La liberté du culte, liberté fondamentale, correspond « au droit de tout individu d’exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l’ordre public ». Cette liberté ne limite pas à ce droit. En effet, une des composantes essentielles de cette liberté est « le droit de participer collectivement, sous la même réserve, à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte ». Néanmoins, elle doit être « conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ».

Les termes des articles 4 et 47 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 sont respectivement les suivants :

« Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit à l'exception des déplacements pour les motifs suivants en évitant tout regroupement de personnes : / 1° Déplacements à destination ou en provenance : / a) Du lieu d'exercice ou de recherche d'une activité professionnelle et déplacements professionnels ne pouvant être différés ; / b) Des établissements ou services d'accueil de mineurs, d'enseignement ou de formation pour adultes mentionnés aux articles 32 à 35 du présent décret ; / c) Du lieu d'organisation d'un examen ou d'un concours ; / […] ».
« Les établissements de culte, relevant de la catégorie V, sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit à l'exception des cérémonies funéraires dans la limite de 30 personnes. / II. - Toute personne de onze ans ou plus qui accède ou demeure dans ces établissements porte un masque de protection. / L'obligation du port du masque ne fait pas obstacle à ce que celui-ci soit momentanément retiré pour l'accomplissement des rites qui le nécessitent. / III. - Le gestionnaire du lieu de culte s'assure à tout moment, et en particulier lors de l'entrée et de la sortie de l'édifice, du respect des dispositions mentionnées au présent article [..] ».

Le Conseil d’État déduit de ces articles que les établissements de culte sont autorisés à demeurer ouverts. Ils restent librement accessibles par les ministres du culte et les personnes pouvant être regardées comme relevant de leur personnel. Les ministres du culte peuvent participer à des cérémonies religieuses notamment en assurant leur retransmission dans le respect des mesures barrières. Ces derniers peuvent continuer à recevoir individuellement les fidèles dans leurs établissements et à se rendre, dans le cadre de leur activité professionnelle, à leur domicile. Les fidèles peuvent participer aux cérémonies lors des enterrements (limite de 30 personnes) et des mariages (limite de 6 personnes). Ils ont également la possibilité de se rendre dans les lieux de culte lors de l’un de leurs déplacements autorisés hors de leur domicile sans se munir d’un autre justificatif en évitant tout rassemblement avec d’autres personnes d’un autre foyer. En outre, selon l’Administration, pour s’y rendre, il appartient aux fidèles de cocher la case « motif familial impérieux ».

La Haute juridiction précise toutefois que « les dispositions relatives aux mariages et aux justificatifs de déplacement gagneraient à être explicitées ».

Des restrictions motivées par des considérations exclusivement sanitaires

Puis, le Conseil d’État relève que la circulation du virus s’est amplifiée au cours des dernières semaines malgré les mesures déjà prises avec au 1er novembre 2020, plus de 1 400 000 cas positifs à la Covid-19, un taux d’incidence national de 438 cas pour 100 000 habitants, un taux de positivité des tests réalisés de 20,4 %, 38 289 décès et un taux d’occupation de 70 % des lits en réanimation des patients atteints de la Covid-19. En conséquence, le Gouvernement a décidé de limiter les motifs de rassemblement autres que scolaires et professionnels.

En outre, il ajoute que même si des protocoles sanitaires ont été élaborés pour les lieux de culte, ils n’ont pas été actualisés et ne sont pas toujours appliqués.

Enfin, il précise que les restrictions apportées par les dispositions attaquées à la liberté du culte et au droit de participer collectivement à des cérémonies prendront fin au terme de l’état d’urgence fixée au jour de l’audience au 16 novembre 2020. Elles sont ainsi d’une durée limitée. Au surplus, dans la perspective de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le caractère adapté et proportionné de ces restrictions va être réexaminé avec une concertation de l’ensemble des représentants des principaux cultes.

Les restrictions litigieuses sont ainsi motivées par des considérations exclusivement sanitaires. Elles ne sont discriminatoires à l’égard d’aucun culte ou d’aucun rite et ne méconnaissent pas le principe de clarté et d’intelligibilité de la norme. Elles sont nécessaires et proportionnées. Dans ces conditions, l’atteinte portée à la liberté de culte ainsi qu’au droit au respect de leur liberté personnelle, à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion n’est pas manifestement illégale. Les requêtes sont, ainsi, rejetées.
 
Source : Actualités du droit