Du caractère abusif de certaines clauses de répartition des charges en matière de baux d'habitation

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Dans un arrêt récent du 17.12.15 (Cass. civ. 3, 17 décembre 2015, n° 14-25.523) la Cour de cassation est venue rappeler que le locataire ne saurait, en aucun cas de figure, assumer les charges incombant au bailleur, y compris dans l'hypothèse d'un logement meublé.

En l'espèce, par acte du 20.01.00, M. X, professionnel de l'immobilier, a donné à bail à M. Y un logement meublé pour une durée de 3 ans renouvelable.

Deux nouveaux contrats ont été signés les 16.02.06 puis le 4.10.06, qui avaient pour objet de modifier la répartition des charges initiales entre le locataire et le bailleur selon la clause ci-après :

"le locataire remboursera au bailleur toutes les charges, quelle qu'en soit la nature, y compris les frais d'entretien ou de réparation des parties communes, afférentes tant aux biens loués qu'à l'immeuble dans lequel ils se trouvent aux seules exceptions de l'assurance de l'immeuble et des honoraires de gestion de l'immeuble et des biens loués".

En d'autres termes, le locataire devait prendre en charge la quasi-totalité des charges afférentes non seulement au logement en lui-même, mais également à l'immeuble dans lequel il se situait.

Le 17.09.09, M. X a notifié un congé à M. Y.

Postérieurement à la libération des lieux, M. X a assigné M. Y en paiement de sommes relatives à des charges impayées.

L'ancien locataire a fait valoir le caractère abusif de la clause de répartition des charges stipulée dans les contrats signés en 2006 et la nullité du congé du 17 novembre 2009, et sollicité le remboursement d'un trop-versé de charges ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

La Cour d'appel de Paris avait dans un  premier temps estimé que :

  • Les dispositions de l'article 23 de la loi de 1989 ne s'appliquaient pas en matière de location meublée ;
  • Les dispositions de l'article L. 632-1 du Code de la construction et de l'habitation, relatif aux modalités de la prise de bail en matière de baux d'habitation, n'imposent aucune prescription en matière de charges, de sorte qu'il est possible d'aménager des stipulations particulières dans le contrat de bail en ce domaine.  

Cet arrêt de la Cour d'appel semblait, à tort, exclure l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, aux termes duquel :

"Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

(...)

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public".

La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris au motif que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation précité devaient s'appliquer en l'espèce.

Elle a en effet précisé qu':

"en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse qui fait peser sur le locataire la quasi-totalité des dépenses incombant normalement au bailleur et dispense sans contrepartie le bailleur de toute participation aux charges qui lui incombent normalement en sa qualité de propriétaire, a pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé" (Cass. civ. 3, 17 décembre 2015, n° 14-25.523)

Ainsi, même en matière de baux d'habitation meublés, le locataire peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, afin d'obtenir une équitable répartition des charges avec son bailleur.

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