L'action en diminution du bien est recevable même si l'acheteur est de mauvaise foi

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L'action en diminution du prix est principalement régie par les dispositions de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis selon lesquelles :

Toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot. La nullité de l'acte peut être invoquée sur le fondement de l'absence de toute mention de superficie.

Cette superficie est définie par le décret en Conseil d’État prévu à l'article 47.

Les dispositions du premier alinéa ci-dessus ne sont pas applicables aux caves, garages, emplacements de stationnement ni aux lots ou fractions de lots d'une superficie inférieure à un seuil fixé par le décret en Conseil d’État prévu à l'article 47.

(...)

Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.

L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance ».

La question s'est posée de savoir si ce texte était invocable au soutien d'actions intentées par des acquéreurs de mauvaise foi.

Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle l'acheteur pouvait soupçonner, avant la signature de l'acte authentique, une erreur sur la superficie du bien mentionnée dans l'acte notarié ou connaissait avec précision la superficie exacte du bien avant la signature dudit acte.

La jurisprudence a répondu que la mauvaise foi de l'acheteur ne le privait pas du recours à une action en diminution de prix (CA, Paris, 1er juillet 2010).

La Cour de cassation est venue, par un arrêt du 10 décembre 2015, confirmer une telle analyse.

Les faits de l'espèce étaient les suivants :

Madame X a vendu, selon acte authentique, en date du 19 janvier 2007, un appartement avec cave et garage dans un immeuble, pour une surface de 159, 40 m ², vérifiée par Madame Z., à la Société Y, revendu par suite à la SCI Z ;

la Société Y a découvert, par un certificat de superficie habitable établi à l'occasion de travaux le 18 avril 2007, que celle-ci n'était en réalité que de 101, 25 m ², une partie du séjour ayant été réalisée sur une terrasse intégrée dans les parties communes de la copropriété, avec usage privatif, ne pouvant être inclue dans la surface habitable.

Elle a donc sollicité, par application de l'article 46 de la loi du 10 janvier 2005, la réduction du prix, ainsi que des dommages-intérêts, en indemnisation de son préjudice financier.

Mme X a fait valoir que les représentants de la Société Y, professionnels de l'immobilier, exerçant l'activité de marchands de biens, ne pouvaient donc ignorer qu'une partie de la pièce de séjour dans l'appartement avait été construite sur des parties communes à usage privatif.

A l'appui de son argument, elle a fait valoir que l'acte de vente par la Y à la SCI Z, en date du 17 décembre 2007, mentionnait expressément une surface encore supérieure de 163, 91 m ² et précisait que la superficie inclut la surface de la pièce construite sur la terrasse à usage privatif ; que, dans ces conditions, l'acquéreur ne pouvaient soutenir ne pas avoir eu connaissance de la superficie réelle des parties privatives du lot vendu ; qu'il ne pouvait donc être fait droit à sa demande.

Tel n'a pas été l'avis de la Cour de cassation, selon laquelle :

"pour rejeter les demandes de la société Y, l'arrêt retient que les représentants de la société Y, professionnels de l'immobilier, exerçant l'activité de marchand de biens, ne pouvaient ignorer qu'une partie de la pièce de séjour de l'appartement avait été construite sur une partie commune à usage privatif et que, compte tenu de la superficie de 163, 91 m ² mentionnée dans l'acte de vente postérieur au 17 décembre 2007, la société Y connaissait la superficie réelle des parties privatives du lot vendu ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la connaissance par l'acquéreur avant la vente de la superficie réelle du bien ne le prive pas de son droit à la diminution du prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (C.Cass, 3e ch. civile, 10 décembre 2015, n° 14-13.832).

En conséquence, la mauvaise foi de l'acheteur ne lui ferme pas la voie de l'action en diminution de prix, contraignant le vendeur à concéder un rabais de prix proportionnel à la moindre mesure.

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